- UN ECLAIRAGE PRATIQUE DE LA NOTION DE PRANA -
Pour un certain nombre de raisons, et malgré l'orientation résolument yogique de ce website, j'ai un faible pour Bruce Lee pour illustrer mon niveau de compréhension actuel de certains concepts, parce qu'il était à la fois sur-humain et bien trop humain. Dams cet article, nous allons revisiter la notion de Prana, en effectuant à nouveau un détour par le modèle Chinois (cf. 3 DAN TIENS sur le même site, l'article cousin de celui-ci pour le lien entre le Chi et les Dan Tiens). Je trouve le tableau ci-dessus particulièrement expressif dans son illustration des trois aspects du Chi ou Prana tels qu'ils s'articulent dans la culture chinoise. Nous y reviendrons en fin d'article.
les mots et la realite, ou attraper l'eau avec une passoire:
Notre propos ici est de donner au lecteur des clés de feeling pour appréhender les notions de:
- Prana (Indien)
- Chi/Qi (Chinois)
- Ki (Japonais)
- Energie (Occidental)
En ce qui nous concerne et pour cet article, ces mots sont synonymes et sont avant tout des pointeurs vers une réalité qui devrait être sentie avant d'être définie.
Les indiens parlent de Prana et de Nadis, les chinois parlent de Chi et de Méridiens, et nous trouvons dans ces deux cultures et beaucoup d'autres des descriptions de ressentis subjectifs à vocation 'universelle' qui cherchent à être décrits et cartographiés à travers des modèles d'anatomie ésotérique. En ce qui me concerne, et certains ne seront pas d'accord, les modèles de 'systèmes énergétiques' de l'être humain sont des tentatives imparfaites de description d'une réalité qui échappera à jamais à une encapsulation symbolique. Chaque modèle procède d'une culture spécifiquement conditionnée, et donc approche la tâche avec une angle descriptif différent. Les paradigmes indiens et chinois sont distincts, mais leurs vocations sont similaires: établir la cartographie d'une même et unique réalité. Réduire cette réalité à un ensemble de mots et symboles présente des avantages, mais la seule responsabilité qui nous incombe est d'expérimenter cette réalité directement. Et de laisser tomber l'escabeau des concepts une fois la hauteur prise. Il y a un seul 'système énergétique' (remplacer par les mots qu'on préfère s'il y a lieu), et nous le voulons le vivre plus que le décrire.
Encore une fois, insistons sur le fait que les cartes de l'anatomie subtile (Chakras, Dantiens, Nadis, Meridiens, shamanistic circuits etc...) sont par nécessité des descriptions imparfaites d'expériences par nature subjectives et inexprimables. Il existe une seule réalité indépendante de nos labels et des tentatives de description que nous en faisons avec le langage. Chaque tentative de 'gelage' de la réalité dans un modèle de description symbolique s'apparente à attraper de l'eau avec une passoire. Nous obtenons une description partielle qui capture une partie de l'essence mais demeure incomplète. Et la saveur de chaque paradigme (indien, chinois, tibétain, sud-américain, sibérien...) est tout autant déterminée par la conditionnement culturel de la civilisation en question.
Prenons l'amour par exemple. Nous venons de lire le mot. Ressentons nous le sentiment pour autant ? L'amour a été décrit de multiples façons à travers des chansons, de la poésie, de la peinture, l'endocrinologie, la littérature, la philosophie etc... mais aucune de ces descriptions ne peut et ne remplacera jamais le sentiment. Confondre le ressenti et sa description revient à jouer avec les mots et les illusions, loin de la substance. Néanmoins, une explication ou une théorie restent des outils indispensables pour communiquer de manière utile des idées entre des êtres qui souhaitent s'aider à vivre le contenu des descriptions au mieux et directement.
Nous n'allons pas tarder à passer à la suite, non sans insister une dernière fois. Nos descriptions de Prana/Chi/Dieu/le Tao/Brahman ou toute terminologie semblable est par nature incomplète et approximative, parce que ET le medium utilisé ET notre propre compréhension sont par nature incomplets et approximatifs. Peu importe que le système soit millénaire ou Taoiste ou que Rael l'ait inventé hier (blague). La tradition en question a peut-être développé un paradigme définitif et précis de l'existence, mais ça n'est pas la chose en elle-même pour autant. C'est un pointeur imparfait. La chose en elle-même transcende par nature notre capacité à la décrire (" Le Tao qui peut être nommé n'est pas le Tao éternel").
avec cette boite a outils, comment envisager le prana ou chi...
Après cette introduction théorique, redescendons sur terre pour démystifier les concepts de Prana/Chi, en gardant à l'esprit que pour cet article, les deux termes sont interchangeables. Prana/Chi sont loins d'être inexplicables: entre autres, le 'Souffle' est une traduction possible, ou le 'Souffle de Vie' ou l'Energie Vitale, pour être plus englobant encore. Mais ces 'gros mots' manquent la cible quand même.
Prana/Chi fait référence à une Energie interne qui fait de nous des êtres vivants: elle circule à l'intérieur du corps à travers des circuits établis, les Nadis ou Meridiens. Encore une fois, ces modèles sont différents et se superposent partiellement, et PEU IMPORTE. Beaucoup de gens à l'esprit scientifique (moi :-)) trouvent cette définition insensée et abstraite. Comme on ne peut ni voir ni mesurer cette énergie, ils n'y croient tout simplement pas. L'autre extrême, accepter cette description sans aucun esprit critique parce qu'on veut absolument se voir comme un être spirituel et que nous sommes attirés par les disciplines orientales est tout aussi irrationnel. Il serait plus confortable de développer une approche pratique et terre à terre de ces notions.
La majorité des gens n'a pas de problème à envisager leur grille-pain comme un instrument qui 'prend vie' lorsque le courant électrique traverse l'objet à travers des circuits établis. Ils argumenteraient que l'électricité est facilement perçue dans le cadre d'un choc électrique, et donc un fait objectif. Que se passe-t-il lorsqu'une fille sublime passe devant nous, que nous sommes un garçon, et qu'elle nous regarde en souriant ? Ne ressentons-nous pas une forme d'electricité? Et si elle nous demande "On ne s'est pas déjà rencontré?", est-ce que le voltage du feeling ne va pas exploser?
Pourquoi est-ce que la viande fraîche chez le boucher demeure inerte? Elle est aussi un amas de muscles, tendons, ligaments, nerfs, tissus conjonctifs etc... Quelle que soit la façon dont je la manipule, elle demeure inerte. Il lui manque la vie. Qu'est-ce qui pourrait lui donner cette vie ? Une forme d'energie, de prana de chi. On ne sait pas vraiment ce que c'est que la vie. Alors faire ce petit saut dans la foi ne semble pas déraisonnable. A notre niveau, cela se traduit simplement par notre ressenti subjectif de 'être en vie/de vivance'. C'est aussi simple que cela. Sans cette Energie qui n'est rien d'autre que notre ressenti interne (physique, mental, émotionnel, spirituel), il n'y a rien, ancun mouvement, de quoi que ce soit. Rien. Ainsi, tout le monde ressent le Prana, sans uncun entraînement. Mais nous n'y faisons pas attention, pas en ces termes, et prenons le miracle comme un acquis.
Encore une fois, nous utilisons les mots Energie, Prana, Qi, Chi, Ki de façon interchangeable. Il y a un cousinage entre cette Energie et le concept scientifique d'énergie. Le mot reste nanmoins un pointeur seulement vers une chose que l'on veut vivre /ressentir/expérimenter.
Scientifiquement, nous sommes confortables si des mesures objectives viennent donner de l'autorité à des observations subjectives. Dans la pratique du yoga, nous voulons ressentir les choses pour nous-mêmes, et rester maîtres de notre réalité à travers le processus d'auto-observation et guérison.
Lorsque nous plaçons notre attention sur une partie de notre corps, quelque chose se passe qui va au-delà du déplacement de notre esprit. Le Prana se déplace également dans cette région. Nous sentons quelque chose qui peut d'ailleurs se traduire par une légère augmentation de température à cet endroit ou un picotement. Les chinois disent que le 'Chi suit le Yi', le Yi étant l'esprit dans ses fonctions d'attention et d'intention.
Une autre raison pour laquelle il est peut-être difficile de sentir le Chi de nos jours a trait au fractionnement de notre attention dans le monde moderne. Bombardés par un flot incessant de stimulations sensorielles, une foule de choses sont en compétition pour notre attention tout le temps: TV, internet et media, objets, publicité et la création constante de désirs artificiels. Ce n'est pas par hasard que les 'systèmes énergétiques' ont été 'remarqués' dans des temps passés et plus simples. Le monde ancien, sans diversion, facilitait grandement à ceux qui le désiraient une harmonisation/mise à l'unisson de leurs différents corps/koshas (physique, mental, émotionnel, spirituel), les rendant naturellement meilleurs à la perception des mouvements de l'énergie.
Dans la tradition chinoise, le Chi ou l'Energie de vie se scinde en trois composantes essentielles: Jing, Qi et Shen.
Le Prana semble être beaucoup de choses. Envisageons le dans la perspective la plus pratique possible. Une Asana est formée, un Pranayama essayé, une séance d'acuponcture administrée, un kata est effectué ou même regardé, un massage donné. Immédiatement, nous nous sentons différents, il existe une 'énergie' différente, un autre ressenti. Peu importe de comprendre comment tout cela fonctionne, nous manipulons notre énergie en la ressentant au mieux et en décidant d'y prêter attention avec sensibilité. Pour cela, nous devons nous centrer danss l'ici et maintenant avec une intention forte à la fois de sentir et raffiner notre état intérieur.
back to bruce lee...
J'aime cette peinture. Le flou volontaire entre le praticien des arts martiaux et son environnement nous rappelle que nous ne sommes pas séparés du Tout, mais partie de ce monde qui n'est rien d'autre qu'une danse énergétique aux multiples expressions manifestes. Où est Bruce Lee, et où est non-Bruce Lee? Où est le mouvement et où demeure l'immobilité? Où est l'équilibre et où sont les différences de potentiel/polarité?
En zoomant un peu plus, Bruce Lee est sa propre petite usine d'énergie, avec les trois courants de Jing, Qi et Shen. L'artiste capture, peut-être à son insu, les trois très bien. Le Jing, cette énergie primale, sexuelle, essentielle, cette mer de vitalité potentielle qui trouve son expression à travers une énergie plus corporelle, le Chi général. Nous voyons ce Chi corporel général dans l'incroyable énergie de mouvement qui imbibe le tableau, ce dynamisme qui saute à l'oeil de l'audience en dépit du fait que nous regardons une peinture statique. Mais tout cela n'existerait pas sans un Shen concentré, un esprit clair et vide de pensées parasites, prêt à se donner au comportement approprié du moment avec une douceur et relaxation sans excuses et compromissions: nous voyons Shen dans les yeux, ces deux petits trous noirs, ces deux puits de feu d'ébène.
Et nous bouclons cette boucle. Deux façons de décrire la même chose. Deux modèles de représentation qui ont pour vocation de véhiculer la même notion. Les diagrammes ci-dessus à travers un symbolisme abstrait qui stimule l'intellect, ou la production artistique, un symbolisme abstrait qui meut nos émotions.